4/11 – EPR d’Hinkley Point : « construire juste du premier coup » grâce au Building Information Modeling
La bonne tenue calendaire du génie civil est un élément clé dans la réussite du premier réacteur EPR en construction à Hinkley Point. Pour y parvenir, le choix a été fait de déployer à grande échelle le Building Information Modeling (BIM). Cette expérience va alimenter l’ensemble des chantiers EPR à venir.
Le chantier du premier EPR à Hinkley Point C (HPC) au Royaume-Uni a valeur symbolique pour toute la filière nucléaire. Il s’agit de démontrer la capacité industrielle de l’industrie nucléaire à construire ces réacteurs en Europe dans les délais et aux coûts prévus. La première tranche doit démarrer en juin 2026. La bonne tenue de ce calendrier dépendra entre autres de la capacité à réaliser le génie civil. Pour cela, « il s’agit de parvenir au Right First Time (bon du premier coup, ndlr) », explique Matthias Guillemet, chef du groupe génie civil chez Edvance, filiale d’EDF.
Une attention toute particulière est portée sur la production des études complètes d’exécution de génie civil sous forme de modélisation 3D, en particulier pour la partie de l’îlot nucléaire. La tâche est d’autant plus complexe que le chantier mobilise des acteurs internationaux. Les équipes sont présentes dans six pays, avec une dominante hexagonale. Il y a un réel enjeu d’approche collaborative et de continuité numérique entre les entreprises et consortiums impliqués. L’utilisation réussie du BIM est un gage de réussite pour ce projet, « mais plus globalement pour tous les futurs projets EPR », assure Maxime Desplats, directeur projet HPC chez Icos. À savoir : la construction en cours du deuxième EPR sur le même site et celle des deux réacteurs prévus à Sizewell dans l’est de l’Angleterre. L’utilisation du BIM n’est pas une première. Mais «il existe différents niveaux d’exploitation du BIM, allant de 1 à 5, ce dernier niveau désignant des projets entièrement numérisés », détaille Matthias Guillemet. Sur le chantier de l’EPR de Flamanville 3, rappelle-t-il, le BIM a atteint un niveau 2 avec des plans 2D, peu de numérisation et aucune collaboration numérique. C’est à partir de ce retour d’expérience qu’il a été décidé d’employer de manière beaucoup plus ambitieuse le BIM à Hinkley PointC afin d’améliorer la constructibilité grâce à la modélisation 3D. À l’avenir, l’EPR 2 devrait viser un niveau 4 de BIM. Pour cela, il faudra définir en amont les besoins de maquettes numériques, pour s’orienter potentiellement vers un jumeau numérique ».
Continuité numérique
Sur HPC, les différentes phases de production des études d’exécution sont soumises à des validations tripartites (Edvance, Icos et Bylor). La première phase consiste en la structuration du modèle et l’analyse des données d’entrée. Icos, en charge du design détaillé, utilise d’une part la maquette 3D qui va modéliser l’enveloppe de béton, toutes les ouvertures, les différentes pénétrations dans les bâtiments et les platines (les plaques métalliques situées en extrémité des poteaux ou des tiges). D’autre part, le consortium recueille les modèles de calcul de structures qui vont donner les règles de ferraillage. Enfin, il intègre les séquences de construction liées aux contraintes du constructeur.
À partir de tous ces éléments, la seconde phase consiste à réaliser la modélisation à proprement parler, barre par barre, du génie civil. Cela permet en particulier de procéder au « déclashage », c’est-à-dire la gestion des collisions des barres entre elles ou des barres avec des platines. Ce travail permet de rendre la maquette plus utilisable directement par le constructeur. Ces données sont ensuite extraites sur des plans 2D, remis au constructeur Bylor. Le modèle BIM permet également à Bylor d’anticiper et d’automatiser les phases d’approvisionnement sur le chantier de tout le ferraillage nécessaire à la construction.
L’intégration de nouveaux requis dans les maquettes se fait tout au long du process de conception. Ce dernier comprend toutefois de nombreux points d’arrêt, dits « Gate Review ». Cela permet « à l’ensemble des intervenants de s’assurer de la bonne intégration des nouveaux requis à chaque étape du projet », décrypte Matthias Guillemet, chez Edvance. C’est « le cœur de l’approche collaborative du BIM », explique-t-il encore.
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