Belgique : comment assurer la sécurité d’approvisionnement en 2025 ?
Dans un courrier daté du mardi 7 décembre 2021, l’exploitant des centrales nucléaires belges, Engie-Electrabel, a fait savoir au Premier ministre, Alexander De Croo, que le prolongement de l’exploitation des deux réacteurs nucléaires, Doel 4 et Tihange 3, en 2025 « était impossible » au vu des délais d’exécution. La prolongation de l’exploitation de ces deux réacteurs est envisagée pour assurer la sécurité d’approvisionnement du pays malgré la fermeture de cinq réacteurs d’ici au milieu de la décennie.
Près de 20 ans après la décision de sortie du nucléaire, la Belgique s’interroge. En effet, le calendrier de sortie du nucléaire prévoit aujourd’hui l’arrêt de tous les réacteurs nucléaires du pays en 2025. Pour rappel, le texte voté en 2003 prévoyait au départ l’arrêt de tous les réacteurs après 40 ans d’exploitation soit la fermeture de trois réacteurs en 2015 et des quatre autres entre 2022 et 2025. Néanmoins, afin d’assurer la sécurité d’approvisionnement du pays, la durée d’exploitation des trois réacteurs mis en service dans les années 1970 a finalement été prolongée de 10 ans en 2015. Aujourd’hui, les mêmes incertitudes planent sur la sécurité d’approvisionnement, et ce malgré une politique volontariste pour construire et subventionner les centrales à gaz [1]. C’est dans ce contexte que la prolongation de l’exploitation des réacteurs Doel-4 et Tihange-3 de 40 à 50 ans est envisagée. Selon un récent sondage, les belges sont par ailleurs favorables à la prolongation et sont seulement 15 % à souhaiter une sortie rapide du nucléaire. Cependant, début décembre, l’exploitant Engie-Electrabel a fait savoir au Premier ministre qu’une prolongation de ces deux réacteurs pour être disponible en 2025 et au-delà était impossible [2] au vu des délais d’exécution. Pour rappel, le nucléaire produit plus de la moitié de l’électricité du pays.
Date de fermeture des réacteurs nucléaires belges
Réacteurs nucléaires | Puissance (MWe) | Connexion au réseau | Date d’arrêt définitif |
Doel-1 | 445 | 1974 | 2025 |
Doel-2 | 445 | 1975 | 2025 |
Doel-3 | 1 000 | 1982 | 2022 |
Doel-4 | 1 000 | 1985 | 2025 ? |
Tihange-1 | 960 | 1975 | 2025 |
Tihange-2 | 1 000 | 1982 | 2023 |
Tihange-3 | 1 000 | 1985 | 2025 ? |
Source : AIEA, Agence fédérale de contrôle nucléaire (AFCN)
Un manque d’anticipation des gouvernements
Alors que 2022 se profile, Engie estime qu’un tel projet nécessite un délai d’exécution de 5 ans en prenant en compte les études d’ingénierie et de sûreté, le dialogue avec les autorités, les processus législatifs et réglementaires et la réalisation même de l’investissement. Selon la presse nationale [3], l’Agence fédérale de contrôle nucléaire (AFCN) est favorable, du point de vue de la sûreté, à la prolongation des réacteurs. La décision revient donc au gouvernement. La politique de « stop and go », les alternances politiques et l’influence des partis antinucléaires mettent aujourd’hui la Belgique au pied du mur que ce soit concernant la sécurité d’approvisionnement, le prix de son électricité et son empreinte carbone [4]. Le rapport d’Energyville, un projet collaboratif de recherche flamand [5], montre en effet une hausse des émissions de CO2 avec la fermeture des réacteurs. « Une prolongation de 10 ans de l’exploitation de deux réacteurs réduira les émissions de CO2 du secteur électrique de 25 millions de tonnes sur la période et une prolongation de 20 ans, de 45 millions de tonnes », précise le rapport. Une augmentation de CO2 qui sera compensé par les efforts des autres pays selon les « écologistes » belges.
Belgique: @jmnollet du parti @Ecolo soutient la construction de centrales à gaz (450g CO2/kWh) pour remplacer les cent. nucléaires (12g CO2/KWh): « Ce n’est pas grave si nos émissions de CO2 augmentent, car au niveau européen, celles des autres vont diminuer » Poke @eelv @LesNews24 pic.twitter.com/qiY2l0edzp
— Valerie Faudon (@ValerieFaudon) December 13, 2021
Le nucléaire français également en attente d’une décision
Ce manque d’anticipation n’est malheureusement pas l’apanage des élus belges. La France, en prenant l’hypothèse d’une durée d’exploitation du parc historique de 60 ans, connaîtra un « effet falaise » dès les années 2030. Une chute qui s’accélère de 2039 à 2050 avec la perte de 4GWe, bas carbone et pilotable, par an. Parallèlement, le gestionnaire de réseau français, RTE, estime dans son scénario de référence pour atteindre la neutralité carbone une hausse de la consommation électrique passant de 475 TWh aujourd’hui à 645 TWh en 2050. Pour mettre en service de nouveaux EPR en 2035 et être à la hauteur de nos ambitions, notamment climatiques, la décision doit être prise dès maintenant. Comme le souligne l’Agence internationale de l’énergie, la France doit continuer à s’appuyer sur ses atouts comme le nucléaire et l’hydraulique et définir rapidement « les mécanismes de financement pour atténuer les incertitudes sur la voie de la neutralité carbone pour soutenir un mix électrique abordable, durable et sûr ».
Pour en savoir plus sur les étapes avant la construction de nouveaux réacteurs en France[6].
[1] Pour en savoir plus sur le mécanisme de capacité : https://www.sfen.org/rgn/sortie-du-nucleaire-la-belgique-sapprete-a-subventionner-une-electricite-plus-chere-et-carbonee/
[2] https://www.rtbf.be/info/belgique/detail_nucleaire-engie-ecrit-au-premier-ministre-qu-une-prolongation-est-impossible?id=10893898
[3] https://www.lalibre.be/economie/conjoncture/2021/12/09/lagence-de-controle-necarte-pas-la-possibilite-de-prolonger-le-nucleaire-si-le-politique-donne-son-feu-vert-on-peut-modifier-la-reglementation-existante-7TFB2RVLHVBR7DC3CWZGVUUGJ4/
[4] https://www.sfen.org/rgn/sortie-du-nucleaire-la-belgique-sapprete-a-subventionner-une-electricite-plus-chere-et-carbonee/
[5] https://www.energyville.be/en/news-events/energyville-introduces-additional-energy-system-scenarios-electricity-provision-belgium
[6] https://www.sfen.org/rgn/quelles-etapes-avant-la-construction-de-nouveaux-epr-en-france/