Cinq questions sur la sûreté nucléaire en Ukraine après l’offensive russe - Sfen

Cinq questions sur la sûreté nucléaire en Ukraine après l’offensive russe

Publié le 1 mars 2022 - Mis à jour le 8 mars 2022

Depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie, les combats en cours et le passage des armées sur la zone d’exclusion ont soulevé des interrogations sur la sûreté des quinze réacteurs en activité du pays et de celle de Tchernobyl. La Sfen fait le point.

1) Que représente le nucléaire en Ukraine ?
L’Ukraine dispose sur son territoire de 15 réacteurs répartis sur quatre centrales. Ils génèrent environ la moitié de son électricité. Tous sont de conception russe, à savoir des VVER de 440 et 1000 MWe. La centrale de Zaporizhzhya, dans le sud-est du pays, est la plus grande centrale nucléaire d’Europe, avec une capacité nette de 5700 MW. Outre des travaux d’extension de la durée de vie des réacteurs existants, l’entreprise ukrainienne Energoatom a signé, en septembre 2021, un accord avec l’américain Westinghouse pour construire quatre réacteurs AP1000. Par ailleurs, l’électricien vise le déploiement de SMR de la société américaine NuScale. L’objectif est de développer 24 GW de capacité nucléaire d’ici 2040.

Source : WNA

2) Y a-t-il eu des combats près des réacteurs en Ukraine ?
Le 27 février, l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a déclaré que des missiles avaient frappé un site d’entreposage de déchets radioactifs à Kiev. Aucun dommage n’a été signalé sur le bâtiment et aucune libération de matières radioactives n’a été enregistrée. La veille, c’est un transformateur électrique sur une installation similaire située près de la ville de Kharkiv qui avait été endommagée, dans le nord-est du pays. Là encore aucune émission radioactive n’a été signalée, rapporte l’agence internationale. Le directeur général Rafael Mariano Grossi juge toutefois que ces deux incidents montrent « le risque très réel que des installations contenant des matières radioactives subissent des dommages pendant le conflit, avec des conséquences potentiellement graves pour la santé humaine et l’environnement ».
Par ailleurs, le porte-parole du ministère russe de la Défense, le général Igor Konashenkov, a été cité par les médias russes le 28 février. Il affirmait que ses forces « contrôlaient complètement et protégeaient le territoire » autour de la centrale nucléaire de Zaporijia. Le personnel « travaille à la maintenance de l’installation et au contrôle de l’environnement nucléaire », ajoute-t-il. De son côté l’énergéticien ukrainien Energoatom a qualifié de « fausse » l’affirmation russe. Il a également déclaré que ses quatre centrales nucléaires continuaient à « fonctionner normalement ».
Mardi 1er mars, Energatom a déclaré que des colonnes d’équipements et de forces militaires se sont déplacées près des centrales nucléaires. Elle évoque des « des obus qui explosent près de la centrale nucléaire ». Dans un communiqué, l’entreprise demande à l’AIEA « d’intervenir pour empêcher les forces d’occupation dans la zone de 30 kilomètres autour de nos centrales nucléaires ». Par ailleurs, il est également demandé que la zone de Tchernobyl soit rendue sous contrôle ukrainien.

3) Existe-t-il une procédure nucléaire en temps de guerre ?
Début février, avant le début de l’invasion, le PDG d’Energoatom, Petro Kotin, assurait que « selon le protocole, les centrales ne fonctionneraient pas en cas, par exemple, d’attentat à la bombe. Dans un tel cas, la centrale est arrêtée et déchargée jusqu’à ce que la menace soit éliminée ». Il ajoutait que « En cas de perte de l’alimentation électrique externe de la centrale nucléaire, le système autonome d’alimentation électrique commence à fonctionner grâce à de puissants générateurs diesel. Les centrales nucléaires ukrainiennes sont prêtes pour un tel mode de fonctionnement : le stock de carburant diesel situé dans les centrales nucléaires dépasse largement les normes établies ». Enfin, il assurait que « les centrales ukrainiennes sont prêtes même en cas de crash d’avion, car l’enceinte de confinement et la cuve du réacteur sont conçues pour résister aux risques correspondants ».

4) Quelle est la situation à Tchernobyl ?
La centrale de Tchernobyl, à une centaine de kilomètres au nord de Kiev, a été accidentée en 1986 avec la destruction du réacteur numéro 4. Les trois autres réacteurs ont été arrêtés en 1991, 1996 et 2000. Face aux faiblesses du sarcophage de béton construit à la hâte suite à de l’accident, une arche de confinement a été mise en place en 2017. La structure de 250 m de large et 160 m de long, pour une hauteur de 100 m, doit permettre le démantèlement en toute sécurité des installations. Ce site comprend aussi un stockage de combustibles d’environ 20 000 assemblages en cours de transfert.
Depuis le vendredi 25 février, l’armée russe a pénétré dans la zone d’exclusion de 2 600km² autour du site. Des niveaux de radiation plus élevés que la normale ont depuis été détectés, rapporte le régulateur ukrainien. Selon une publication de l’Institut de Radioprotection et de Sûreté nucléaire (IRSN) : « L’autorité de sûreté ukrainienne évoque une remise en suspension de la contamination par le passage des chars militaires. L’IRSN ne dispose pas d’information permettant d’infirmer ou de confirmer ces informations. Il convient de rester très prudent sur ces mesures à ce stade. Aucune augmentation de radioactivité n’a été détectée dans les pays européens avec lesquels l’IRSN est en contact ». Pour rappel, la France est surveillée en permanence par le réseau Téléray, qui compte plus de 440 balises déployées sur le territoire métropolitain et outre-mer.

5) Est-ce la première fois que des réacteurs nucléaires se retrouvent en zone de guerre ?
En 1991, la centrale nucléaire de Krško en Slovénie s’était retrouvée en zone de guerre et avait été survolée par des avions de combat. Cet épisode avait fait l’objet a posteriori d’une publication technique dans la revue Nuclear Technology de février 1993. Les auteurs expliquaient que cet événement avait poussé le secteur à répondre à « un certain nombre de questions jamais posées auparavant ». Ils écrivaient : « Une analyse rapide pendant la crise a montré que les conséquences d’une attaque militaire sur la centrale par des avions de combat pourraient être graves, mais avec les mesures préventives et des préparatifs appropriés, les impacts environnementaux pourraient être minimisés. Une centrale en état d’arrêt à froid peut supporter une perte d’alimentation et de refroidissement hors site suffisamment longtemps pour mettre en place diverses solutions d’urgence possibles ». ■

 

par la rédaction

Copyright : EyePressNews/AFP