Défauts de gainage du combustible sur l’EPR de Taishan : analyse de la Sfen - Sfen

Défauts de gainage du combustible sur l’EPR de Taishan : analyse de la Sfen

Publié le 19 janvier 2022 - Mis à jour le 21 janvier 2022
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Six mois après l’arrêt du réacteur EPR numéro 1 de Taishan en Chine suite à la découverte d’inétanchéités sur des assemblages de combustible, les premiers éléments d’analyse ont été communiqués par EDF. La Sfen décrypte le phénomène de « fretting », déjà observé dans les années 80 sur le parc français.

Note : Cette note de décryptage synthétise quelques éléments concernant les anomalies rencontrées sur le combustible du réacteur 1 de Taishan, à partir des informations et analyses rendues publiques. Les données techniques relatives aux réacteurs de Taishan sont la propriété de la société exploitante chinoise TNP JVC, seule habilitée à les communiquer.

Le 30 juillet 2021, TNP JVC a décidé d’arrêter le réacteur n°1 afin de rechercher les causes de défauts de gainage du combustible qui entrainaient une augmentation de l’activité radiologique du circuit primaire. Les valeurs d’activité sont restées en deçà des seuils des spécifications techniques d’exploitation, mais cette décision a été prise par l’exploitant afin de prévenir une évolution défavorable de la dégradation, de caractériser précisément les crayons endommagés et de limiter l’activité du circuit primaire pour ne pas dégrader les conditions radiologiques ultérieures de la maintenance courante du réacteur.

Relations techniques entre TNP JVC, EDF et Framatome

Les investigations ont consisté à identifier les assemblages présentant des défauts d’étanchéité et, au sein de ceux-ci, les crayons concernés, extraire ces derniers, y localiser les défauts, les expertiser et caractériser les phénomènes à l’origine des percements de gaines. Des crayons étanches ont également été extraits afin de vérifier le caractère limité des endommagements. Des relations techniques étroites entre TNP JVC, EDF et Framatome ainsi qu’un haut niveau d’expertise ont marqué cette période. Elles permettent une compréhension commune des phénomènes rencontrés et des solutions envisagées.

Pour mémoire, le cœur du réacteur EPR est formé de 241 assemblages de combustible, eux-mêmes constitués de 265 crayons, soit un peu plus de 60 000 crayons. Ceux-ci sont constitués de gaines en alliage de zirconium dans lesquelles sont disposées les pastilles d’uranium. Les gaines forment la première des trois barrières entre les produits radioactifs et l’environnement.

Phénomène de fretting

Une dizaine de grilles assujettissent les crayons dans l’assemblage, par l’intermédiaire de lames de ressort dont la pression maintient la gaine par contact, sans l’endommager. Les grilles et les ressorts doivent en particulier empêcher que le crayon ne vibre sous l’effet des courants hydrauliques engendrés par le débit du circuit primaire au sein du cœur (1) et ne s’use sur ses supports. De tels phénomènes, nommés fretting, qui dépendent du couple courants hydrauliques du type de réacteur concerné / force de maintien par les grilles, ont été rencontrés au plan international. Ce fut par exemple le cas en France, à Cattenom, au début des années 2000 : environ 80 crayons étaient affectés. Une modification des assemblages ultérieurs, consistant à doubler la grille en pied d’assemblage, a permis de rapidement résoudre ce problème.

À Taishan, la rupture de certains ressorts de grille, en pied d’assemblage, par corrosion sous contrainte, a relâché le maintien du crayon et engendré l’usure progressive de la gaine sur la partie résiduelle du ressort.
Des ruptures de ressorts sont également observées en France, depuis quelques années, provoquant quelques inétanchéités d’assemblages. Ces défauts d’étanchéité, en nombre très limité, n’ont pas entrainé d’augmentation significative d’activité primaire. Le procédé d’élaboration des feuillards métalliques dans lesquels sont façonnés les ressorts de grilles a été ajusté (modification du traitement thermique) afin de désensibiliser le matériau à la corrosion sous contrainte. Les assemblages neufs bénéficiant de cet ajustement sont progressivement chargés en réacteur.

La Sfen complétera ce décryptage lorsque davantage d’informations seront disponibles.

(1) Chacune des quatre pompes primaires ayant un débit de l’ordre de 27 000 m3/h.

Bertrand de L’épinois, président de la Section technique 4 de la Sfen

Copyright photo @EDF

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