Huit grands événements nucléaires qui vont marquer 2022 - Sfen

Huit grands événements nucléaires qui vont marquer 2022

Publié le 11 janvier 2022 - Mis à jour le 12 janvier 2022

Si l’année 2022 signera peut-être la fin de l’épidémie de Covid-19, elle augure pour sûr une actualité nucléaire particulièrement riche marquée dès ce début d’année par la proposition d’inclusion de l’atome dans la taxonomie européenne. La Sfen relève huit rendez-vous, de l’élection présidentielle au programme du nouveau nucléaire en France, en passant par le démarrage de l’EPR Olkiluoto ou l’arrêt ou non du parc nucléaire belge.

L’année 2021 avait terminé sur deux événements significatifs au niveau français et européen. Le 9 novembre, le président Macron actait officiellement le lancement de la construction de nouveaux réacteurs EPR nouvelles générations (EPR2) en France[1]. Le 31 décembre, quelques heures avant minuit, la Commission européenne a envoyé aux États membres son projet d’acte délégué sur la taxonomie européenne visant à y inclure le nucléaire et le gaz. Ces deux annonces seront sans doute fondatrices pour l’année 2022.

  • Les ultimes étapes avant le démarrage de Flamanville

Le chargement en combustible de Flamanville est attendu pour le second trimestre 2023. 2022 va être une année clé pour préparer cet évènement. D’une part, l’électricien devra finaliser la remise à niveau des soudures du circuit secondaire principal. D’autre part, il devra intégrer les retours d’expérience de l’aléas technique rencontré à Taishan 1 en Chine concernant l’usure mécanique sur certains composants de l’assemblage combustible. Cela permettra de mener nouvelle campagne d’essais de qualification de l’installation et de fournir de l’ensemble des documents nécessaires pour l’exploitation.

  • Une feuille de route pour le renouvellement du parc

Suite aux annonces du président Macron pour la construction des nouveaux EPR, le PDG d’EDF Jean-Bernard Lévy a demandé d’urgence des « actions concrètes ». En effet, la publication par le gouvernement d’une feuille de route portant sur les détails de ce nouveau programme est attendue. Ce document, aujourd’hui attendu pour le début d’année 2022, sera nourri du dossier remis au printemps 2021 par EDF sur un programme de trois paires d’EPR2 chiffrés à 46 milliards d’euros.

  • Une élection présidentielle marquée par l’atome

L’année 2022 sera également l’année de la douzième élection présidentielle de la Vème République. Elle sera décisive pour le futur de la filière nucléaire. Parmi les partis de gauche, EELV et LERM, avec à leur tête Yves Jadot et Jean-Luc Mélenchon affichent clairement une volonté de sortie progressive de l’atome. Côté PCF, Fabien Roussel veut faire de la filière nucléaire un pilier de la souveraineté énergétique française aux côtés des renouvelables. Les positions du PS sont beaucoup plus floues. À droite, tous les partis sont favorables à un programme nouveau nucléaire en France. LREM, à date sans candidat, devrait s’inscrire dans les annonces du gouvernement actuel. Valérie Pécresse pour les LR compte « accorder à EDF le lancement d’une série industrielle de six nouveaux EPR ». Les partis d’extrême droite, RN et Reconquête, visent aussi une relance de la filière. L’élection se déroulera les 10 et 24 avril prochains.

  • Retour à la normale sur les marchés de l’énergie

Le printemps 2022 est supposé marqué la fin des tensions sur les marchés du gaz et de l’électricité que traverse l’Europe depuis la rentrée 2021[2]. Ces tensions et leurs conséquences sur la facture des consommateurs pour leur approvisionnement en énergie avait contraint le gouvernement français[3] à mettre en place des mesures d’urgence : gel temporaire des tarifs réglementés du gaz, limitation de la hausse de ceux de l’électricité à 4 % début 2022 ou encore un chèque énergie « exceptionnel » de 100 euros aux 6 millions de ménages éligibles au dispositif des chèques énergie. Un épisode qui a renforcé la confiance accordée au nucléaire. La Sfen a produit une analyse3 sur les bénéfices du nucléaire en France qui, dans cette crise, constitue un premier « bouclier énergie » contre la flambée des prix.

  • L’EPR d’Olkiluoto entre en service

À 3h22, le mardi 21 décembre, la première réaction nucléaire a eu lieu au cœur de l’EPR d’Olkiluoto en Finlande[4]. Désormais, le réacteur va monter progressivement en puissance afin de tester l’ensemble de ses systèmes. La production d’électricité commencera lorsque l’unité sera raccordée au réseau national fin janvier 2022. Il s’agit pour le nucléaire en Europe d’une étape clé puisque le réacteur est le premier à démarrer en Europe en 15 ans (et depuis 40 ans en Finlande). Avec le chargement du combustible à Flamanville attendu en fin d’année, 2022 : année de la revanche des EPR européens ?

  • L’heure des choix pour le nucléaire belge

La Belgique a voté en 2003 sa loi de sortie du nucléaire. Pourtant, près de 20 ans après, les contours de l’avenir du nucléaire belge ne sont pas très nets. Sécurité d’approvisionnement oblige, la fermeture des trois réacteurs les plus vieux (Doel-1 et 2, Tihange-1) a été repoussée de 10 ans à 2025. 2022 marque ainsi l’arrêt du premier des 7 réacteurs belges en fonctionnement actuellement, Doel-3. Par ailleurs, deux scenarii restent sur la table : le scenario A qui signe la fin des réacteurs nucléaires actuels en 2025 et le scenario B dans lequel deux réacteurs sont prolongés de 10 ans. Avec un rapport du gendarme du nucléaire belge attendu le 17 janvier et de nouvelles enchères de capacité organisées plus tard dans l’année, la décision définitive de la Belgique est attendue pour mars 2022, selon le libéral Georges-Louis Bouchez.

  • L’Allemagne persiste dans la fermeture des réacteurs

Emboîtant le pas à ses voisins belges avec la loi de sortie du nucléaire de 2011, Berlin, conformément à la législation, a fermé trois réacteurs nucléaires représentant 4 GW de capacité pilotable et bas carbone[5]. Il ne reste que trois réacteurs nucléaires en exploitation en Allemagne : Esmland, Neckarwestheim-2 et Isar-2. 2022, en Allemagne, marquera l’arrêt définitif de ces derniers réacteurs, annonce confirmée par le nouveau gouvernement allemand en place depuis décembre dernier. Avec une sortie en 2030 du charbon, 2022 ne sera pas l’année du climat en Allemagne.

  • La bataille de la taxonomie

Le 31 décembre, quelques heures avant minuit, la Commission européenne a donné gain de cause au nucléaire et au gaz pour leur inclusion dans la taxonomie sur les investissements verts. Les États membres ont jusqu’au 12 janvier pour faire parvenir leur commentaire à la Commission[6]. Une fois le texte officialisé, les opposants auront quatre mois pour réunir la majorité qualifiée au Conseil. Les voix des quelques pays opposés à l’inclusion spécifique de l’atome dans l’acte délégué ne seront vraisemblablement pas suffisantes. Pour les plus fervents opposants au nucléaire, reste alors l’action en justice. Ainsi le gouvernement autrichien vise à porter le dossier devant la Cour de justice de l’Union européenne et pourra compter sur l’appui du Luxembourg, à en croire les dires du ministre de l’Énergie, Claude Turmes[7]. La bataille taxonomique, dont on attend le dénouement final courant de cette année 2022, n’est donc pas encore gagnée pour le nucléaire.

[1] https://www.sfen.org/rgn/emmanuel-macron-lance-la-construction-de-nouveaux-reacteurs-nucleaires-epr-en-france/

[2] Voir https://www.sfen.org/rgn/prix-electricite-payeur-marche/

[3] Mais également certains gouvernements européens.

[4] https://www.sfen.org/rgn/demarrage-de-lepr-dolkiluoto-quelles-etapes-avant-la-production/

[5] https://www.sfen.org/rgn/allemagne-la-sortie-du-nucleaire-au-detriment-du-climat-et-des-consommateurs/

[6] https://www.contexte.com/energie/actualite/143808.html

[7] https://www.wort.lu/de/international/luxemburg-droht-bruessel-mit-einer-klage-61d469afde135b923651be6f

Ilyas Hanine – Crédit photo ©Tumisu