Quelles étapes avant la construction de nouveaux EPR en France ? - Sfen

Quelles étapes avant la construction de nouveaux EPR en France ?

Publié le 7 décembre 2021 - Mis à jour le 22 décembre 2021
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La construction de nouveaux réacteurs nucléaires en France a été proposée par Emmanuel Macron. Mais la décision finale presse car avant même le premier béton nucléaire de nouvelles étapes réglementaires sont nécessaires. Cumulées, elles demandent quatre à cinq ans de travail. Leur lancement rapide est indispensable pour envisager que les premiers réacteurs soient opérationnels à l’horizon 2035.

Le 11 novembre dernier, le président de la République Emmanuel Macron annonçait son intention d’initier la construction de nouveaux réacteurs en France. C’est un message important pour toute la filière industrielle française et la capacité du pays à tenir ses objectifs d’émissions de CO2. Mais cette déclaration d’intention est loin d’être une décision. Et celle-ci est attendue au plus vite car avant même de débuter la construction, il existe plusieurs étapes préliminaires.

La période, entre la décision d’engagement d’un projet nucléaire prise sur la base d‘un cadre contractuel établi et le début effectif des travaux de construction d’une centrale nucléaire, communément associée au coulage du premier béton du radier de l’îlot nucléaire, est cruciale pour la réussite du projet. Cette phase peut prendre 4 à 5 ans. Tout d’abord, la Commission nationale du débat public (CNDP) doit être saisie, comme l’indique le Code de l’Environnement (Articles R121-1 à D181-57). Il indique que la Commission doit être saisie pour tout nouveau site de production nucléaire correspondant à un investissement d’un coût supérieur à 230 millions d’euros. La construction de trois paires d’EPR2 sur le territoire français dépasserait très largement ce critère.

Ensuite, l’exploitant désigné a besoin de quelques mois pour constituer son dossier de demande réglementaire d’autorisation de création d’une installation nucléaire de base (INB) et de permis de construire. Puis cette phase de préparation passe par quatre axes d’activités en parallèle : l’atteinte de maturité du design, l’analyse du rapport préliminaire de sûreté, la préparation du site choisi et enfin les autres autorisations administratives.

La maturité du design. Le retour d’expérience des récents projets nucléaires montre qu’une maturité forte du design est indispensable à la réussite ultérieure de sa construction. Pour cela, les équipements, qui seront in fine installés, ont besoin d’être connus avec précision. Les informations des fournisseurs sur les caractéristiques techniques exactes de leurs produits, en termes de dimensions et de performances, sont en effet indissociables de l’atteinte d’une installation figée. Cette prise en compte anticipée des retours des fournisseurs d’équipements dans le design, en particulier afin d’élaborer les plans d’exécution du génie civil, implique d’avoir signé les principaux contrats environ 4 ans avant le premier béton.

L’analyse du rapport préliminaire de sûreté par l’ASN. Conformément à la loi, cette période est prévue sur une durée de 3 ans.

La préparation du site. Cette activité comprend à la fois les aménagements nécessaires à l’ouverture d’un chantier (clôtures, accès), les travaux préparatoires, à savoir les terrassements, les ouvrages enterrés, et les éventuels travaux spéciaux (fondations spéciales, plateforme de chantier, etc.). Depuis les décrets de 2016, ces travaux, qui pouvaient être anticipés dans le passé, doivent être intégrés au périmètre du projet et ne peuvent plus être démarrés avant l’avis de l’Autorité environnementale indépendante sur l’étude d’impact du projet, déposé dans le cadre de la demande d’autorisation de création (DAC). Ils sont soumis à l’obtention d’un permis de construire (soit a minima un an après le dépôt de demande d’autorisation de création et le retour de l’enquête publique).

Cette séquence de travaux préparatoires est devenue la plus critique en termes de planning, entre la décision d’engagement et le premier béton. Elle dure a minima 4 ans pour les sites identifiés comme présentant des conditions favorables.

Les autres autorisations administratives. Un projet de construction nucléaire, qu’il soit en bord de mer ou de rivière, sur un site déjà existant, devra faire l’objet de nombreuses demandes d’autorisations administratives, notamment sur l’occupation du domaine public, fluvial ou maritime, la préservation de l’environnement, et de demandes de modifications des INB existantes (périmètre, autorisations de rejets). Ces procédures représentent une durée significative sur le planning de préparation.

Les étapes de la construction des nouveaux réacteurs (source : BCG)

Le cumul de l’ensemble de ces activités tend à montrer aujourd’hui qu’il est raisonnable de prévoir quatre à cinq ans entre la décision d’engagement d’une demande d’autorisation de création et la réalisation d’un premier béton. Au-delà du premier béton, il est prudent, dans l’état actuel des connaissances, de prévoir des marges pour aléas, sur la première construction de la nouvelle série à venir, comme indiqué dans le planning ci-dessus. À noter qu’il ne s’agit pas d’un planning de série, ni de l’ambition que la filière doit se donner : le coût de l’investissement est très sensible à la durée de construction, et l’un des premiers objectifs du programme industriel EPR2 est de réduire, grâce aux effets de série, la durée de construction, en alignement avec les meilleures performances internationales (évaluées aujourd’hui à 72 mois).

Il pourrait donc falloir près d’une quinzaine d’années entre le moment où la décision de construire sera prise, et la mise en service du premier réacteur. On voit que, pour viser la mise en ligne d’un premier réacteur dès que possible vers 2035, la France doit d’ores et déjà prendre cette décision sans tarder.

Ludovic Dupin (Sfen)

Photo copyright : FunkyFocus

Pour en savoir plus découvrez la note de la Sfen : Quand décider d’un renouvellement du parc nucléaire français ?

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